Aileron de requin

Aileron de requin

Les ailerons de requins sont les nageoires et extrémités cartilagineuses de la queue du squale.

Que savons-nous sur les ailerons de requin?

Nageoires et extrémités cartilagineuses de la queue du squale, vendues séchées, sous forme de longues aiguilles d'un blanc jaunâtre.
Ce produit rare et couteux, réputé aphrodisiaque, entre dans la composition d'un potage chinois renommé, que les mandarins faisaient traditionnellement servir au milieu des banquets.
Les ailerons les plus appréciés proviennent des Philippines et de la Chine.

La consommation de cette soupe a considérablement augmenté avec l'élévation du niveau de vie de la classe moyenne. La demande associée à l'importance du prédateur dans l'océan, a pu modifier considérablement les écosystèmes océaniques.
Les défenseurs des animaux et des écologistes contestent son usage, également cité comme facteur contributif primaire dans le déclin mondial de nombreuses espèces de requins, via la pratique du  "Shark finning"(pêche aux ailerons).

Le shark finning

Le shark finning est une pratique consistant à capturer des requins pour leur couper les ailerons et la nageoire caudale puis à les rejeter mutilés à la mer. Cette pratique engendre un "gaspillage considérable" étant donné que seulement 7% de la masse totale du requin est exploitée. Pratiquée aussi bien par des pêcheurs des pays mal-développés que des pays développés, le finning n'est ni géré, si surveillé dans la plupart des pays. La majorité des ailerons est exportée vers le marché asiatique, où ils sont vendus au détail. Depuis les années 1980, cette pêche a considérablement augmenté, du fait de la demande croissante d'ailerons, de l'amélioration des techniques de pêche et de la mondialisation de l'économie de marché. C'est l'un des produits de la pêche les plus chers au monde.
Les scientifiques, les écologistes et les défenseurs des animaux condamnent fermement cette pêche gaspilleuse, et la considèrent comme la principale cause du déclin mondial des requins.
La mauvaise réputation de ces derniers et l'absence de données internationales fiables ralenti la prise de conscience de ce déclin et la protection des populations de requins, notamment dans les eaux internationales. Toutefois, certains États mettent fin à cette pratique dans leurs zones de pêche, et, même, interdisent la pêche au requin.
L'expression "shark finning" provient de la langue anglaise : shark signifie "requin", et fin signifie "nageoire"ou "aileron". L'expression n'a pas d'équivalent littéral en français.

Des conséquences environnementales

Le shark finning est la principale cause du déclin mondial des requins. Les requins étant des super-prédateurs, ils ont un long cycle de croissance, une fécondité limitée et une maturité sexuelle tardive, ce qui les rend particulièrement vulnérables à la surpêche. De fait, les populations de requins ont diminué de plus de 90 % dans les zones exploitées, et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) considère qu'un tiers des espèces de requins serait menacées de disparition. Les requins sont au sommet des réseaux trophiques marins, ce sont donc des espèces clés qui jouent un rôle important dans la stabilité de l’écosystème. Ils régulent de nombreuses populations de poissons et de mammifères marins, en éliminant les individus vieux ou malades. Ils limitent ainsi la propagation des maladies au sein d'une population et permettent ainsi de renforcer le pool génétique des populations.
En contrôlant les populations de poissons et de crustacés qui se nourrissent de phytoplancton et d'algues, les requins maintiennent la production de dioxygène de l'océan. Les océans produisent 70 % du dioxygène que l'homme respire, si les requins venaient à disparaitre, la chaine alimentaire serait perturbée au point de modifier les écosystèmes océaniques et terrestres.
Qu'elle soit légale ou illégale, le shark finning menace de disparition le tiers des espèces de requins qui passent la plupart de leur temps dans les couches supérieures de l'océan. Le nombre d'espèces de requins considérées comme menacées est passé de seulement 15 espèces en 1996, à plus de 180 espèces en 2010, dont 30 en voie d'extinction.


Historique

En Extrème-Orient, la soupe d'ailerons de requin est un plat de la médecine traditionnelle chinoise, associé au danger et à la jeunesse, préparée depuis l'époque de la dynastie Song (960-1280). Elle était réservée à l'empereur et aux nobles en raison de son prix élevé, de son goût et de ses vertus thérapeutiques supposés.
Durant la dynastie Ming (1368-1644), les ailerons de requin sont devenus un élément traditionnel des banquets officiels, témoignant du respect de l'hôte envers ses invités, mais c'est réellement à partir de la dynastie Qing (1644-1911) que la recette de la soupe aux ailerons de requins fut inventée.
A la fin du XVIIIe siècle et au début du XXe siècle, la soupe a commencé à se démocratiser avec l'amélioration du niveau de vie. Les gouvernements communistes de l'après-guerre ont tenté de décourager la consommation de la soupe, considérée comme un produit trop luxueux. Mais les changements politiques et économiques de la fin du XXe siècle ont fait exploser la demande, de même que l'élévation du niveau de vie de la classe moyenne due au développement de l'économie de marché, provoquant ainsi la hausse des prix mondiaux. Ce plat, très prisé en gastronomie, est devenu un important marqueur social ; au même titre que la voiture de luxe, il symbolise la richesse, la puissance, le prestige et l'honneur. Sa présence en tant que symbole dans les menus de mariage, ou d'autres célébrations importantes, est une tradition désormais fortement ancrée, et son absence y est particulièrement mal vue.
La soupe est surtout consommée dans le Sud (province de Guangdong), dans les régions côtières, ainsi qu'à Hong Kong, Singapour et Taïwan. Ainsi, la saison des mariages coutumiers et des autres fêtes avec un pic pour le Nouvel An chinois n'en consomment pas pendant les mois de juillet et d'août considérés comme peu propices.


Les ailerons de requins sont surexploités

Tous les grands requins de plus de 1.5 m de longueur sont exploités, qu'ils soient benthiques ou pélagiques, carnivores ou planctophages.
Il y a toutefois quelques exceptions comme le requin dormeur Ginglymostoma cirratum et les nageoires pectorales du requin-scie.
Généralement, les ailerons les plus appréciés sont ceux du requin mako, du requin-marteau, du requin bleu, du requin sombre et du requin gris de récif.
Mais les préférences varient selon les pays et les personnes. Certaines espèces sont davantage convoitées en raison du nombre de leurs filaments cartilagineux, de leur texture ou de leur apparence, mais aussi en raison de leur prix bas et de leur disponibilité.
Ainsi les ailerons de certaines espèces, comme ceux du requin bleu, sont très populaires.
Les squaliformes, majoritairement de petite taille et vivant dans les eaux profondes sont relativement épargnés, en dehors de l'aiguillat commun et de l'aiguillat-coq.
Lorsque l'occasion se présente, les raies sont également capturées, plus particulièrement les poissons-scie et les poissons-guitare qui ont des allures de requin.

Les tendances mondiales

Premier choix : requin bleu, requin océanique, requin de sable, grande raie-guitare, requins-marteaux, requin mako.

Second choix : requin à pointes noires, grand requin blanc, requin-citron, Carcharhinidés, requin-marteau halicorne, requin féroce, requin-épée, requin renard, requin tigre, requin-hâ.

Troisième choix : requin pèlerin, Aiguillat commun, requin-baleine.

Conservation et transformation

La préparation des ailerons de requin ne nécessite aucun traitement complexe, mais pour ne pas perdre de leur valeur, les ailerons doivent faire l'objet d'un prélèvement et d'un séchage de qualité. Les pêcheurs doivent minimiser la quantité de chair coupée avec l'aileron, car elle donne souvent une mauvaise odeur et altère la couleur, diminuant ainsi la qualité du produit. La base épaisse des grosses nageoires rend la coupe difficile, au risque d'altérer les rayons de l'aileron. La « coupe en clair de lune » est plus fastidieuse, mais elle est plus appréciée par les négociants que la « coupe droite » et la « coupe irrégulière » qui laisse trop de chair.
Les ailerons sont ensuite bien nettoyés, ils subissent un brossage à l'eau douce ou à l'eau de mer pour les débarrasser de toutes impuretés.
les ailerons sont ensuite posés sur des claies, des nattes de bambou, ou des plateaux pour les faire sécher de 7 à 14 jours, selon l'épaisseur.
Parfois, certains appliquent un peu de sel sur les nageoires, notamment aux extrémités coupées. Les nageoires sont régulièrement tournés afin d'obtenir un séchage uniforme.
Les ailerons de requin sont transformés et commercialisés sous de nombreuses formes : ils peuvent être conservés « humides », c'est-à-dire frais, réfrigérés et non transformés ou simplement congelés, conservés dans la saumure , laissé crus et séchés, pour conserver les denticules et les plaquettes cartilagineuses qui confèrent une rugosité au produit.
Plusieurs transformations peuvent être réalisées :
- préparation en filet : elle consiste à cuire les rayons des nageoires séchées, puis à les séparer, les re-séché et les emballer en vrac.
- l'aileron directement prêt à être consommé ou cuisiné : il se décline sous forme de boîte de conserve ou en sachets et en poudre de soupe instantanée.
- la transformation semi-préparée, plus onéreuse : la peau est enlevée, mais les fibres sont encore intactes garantissant une apparence propre.
- la transformation complète : elle consiste à séparer individuellement les cératotriches de l'aileron.
Puis vient l'emballage en boîte de carton ou dans de la viscose.

Classification des ailerons

Les ailerons sont généralement classés en fonction de leur taille, leur, type, leur couleur, leur découpe et leur état.
La taille d'un aileron est mesurée soit du centre de la base à l'extrémité de la nageoire ou par la longueur de sa base.
Ils sont ensuite classés comme :
- extra-larges : 40 cm et plus.
- grands : 30 à 40 cm.
- moyens : 20 à 30 cm.
- petits : 10 à 20 cm.
- très petits : 4 à 10 cm,  notamment pour les nageoires ventrales et anales.
Les ailerons peuvent aussi être classés selon l'espèce à laquelle ils appartiennent, mais il est généralement difficile de déterminer celle-ci pour un aileron séché, sauf pour les espèces possédant une coloration ou des denticules particuliers comme c'est le cas pour le requin tigre, le requin bleu, les centrines, le requin pèlerin ou le requin-baleine.
Les ailerons de requin sont parfois classés selon leur couleur, sombre ou pâle. Cette classification varie selon les commerçants et sert soit à différencier les espèces vivant en eaux profondes et en eaux peu profondes, soit leur rendement et leur goût, ou bien le type de requins. Cependant tous s'accordent à dire que les ailerons clairs possèdent plus de cératotriches et une meilleure saveur, augmentant leur valeur par rapport aux noirs. Cette classification est néanmoins très variable et dépend des différentes autorités, les ailerons de requin tigre étant considérés comme clairs par certains et sombres par d'autres.
La qualité et le nombre de cératotriches étant variables selon la nageoire d'un requin, les négociants n'accordent pas la même valeur à tous les ailerons. Généralement, plus l'aileron est grand, plus les cératotriches sont longues et épaisses. Les ailerons les plus prisés sont dans l'ordre le lobe inférieur de la caudale, la première dorsale, puis les nageoires pectorales.


Parlons cuisine

Les ailerons doivent tremper pendant une nuit dans du bouillon de poulet, puis bouillir durant près de 3 heures.
Le potage, fait de crevettes, de champignons parfumés, de gingembre, d'oignons et de sauce soja, est garni, en plus des ailerons, de jambon émincé, de lamelles de bambou et de chair de crabe.
L'Extrême-Orient est le plus important consommateur de soupe aux ailerons de requin.

De l'aileron de requin, il ne reste dans la soupe que les rayons cornés externes, les "cératotriches", formant de fines lanières molles, jaunes et transparentes, semblables à des nouilles. La consistance gluante si particulière de la soupe est due aux propriétés physico-chimiques des cératotriches.
L'élastoïdine, une scléroprotéine soufrée uniquement présente dans les nageoires, confère aux rayons une meilleure résistance à la cuisson.
L'aileron se consomme également sous forme de r?men (mets japonais constitué de pâtes dans un bouillon à base de poisson ou de viande et souvent assaisonné au miso ou à la sauce soja, importé de Chine au début du XXe siècle), de boulettes ou de terrine, mais ces plats sont moins populaires que la soupe.


Santé, régime

Propriétés des ailerons de requin

Les anciens ouvrages de la médecine traditionnelle chinoise accordent aux ailerons de requin de nombreuses vertus thérapeutiques : le rajeunissement, l'amélioration de l'appétit, de la mémoire et du désir sexuel, nourrissant pour le sang, bénéfique pour l'énergie vitale, les poumons, les reins, les os et beaucoup d'autres parties du corps. Pourtant la valeur nutritionnelle et gustative de la soupe aux ailerons de requin est très limitée, voire nulle. Ce sont surtout les épices et le bouillon de poule dans lequel baigne le cartilage qui lui donne un goût si apprécié.
Quant à ses vertus supposées, elle n'ont jamais été démontrées scientifiquement. Les cératotriches sont mêmes dangereuses pour la santé à forte dose, à cause des polluants bioaccumulés dans l'organisme des requins.
Les ailerons étaient également supposés prévenir et guérir certains types de cancers, grâce à la présence d'une protéine bloquant l'angiogénèse, ce qu'une étude a clairement démenti en 2007. La protéine, AE-941, est dégradée avant de pouvoir avoir un quelconque effet sur les tumeurs.

Comme la plupart des super-prédateurs marins, les requins bioaccumulent dans leur organisme de fortes concentrations de polluants d'origine anthropique, comme les PCB, les métaux lourds et les pesticides. Le mercure est présent dans leurs tissus sous sa forme la plus dangereuse, le méthylmercure. Il peut provoquer la stérilité chez l'homme, des maladies du système nerveux central et des problèmes rénaux. En 2001, une étude menée par l'Institut thaïlandais de recherche scientifique et technologique a révélé que 70 % des plats aux ailerons de requin contenaient des niveaux extrêmement élevés de mercure. En 2012, une étude a montré que de nombreux requins bioaccumulent de forte concentrations de Bêta-N-méthylamino-L-alanine (BMMA), une neurotoxine produite par des cyanobactéries à partir des rejets industriels déversés dans l'océan. À forte dose, elle provoque chez l'homme des maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer ou la maladie de Charcot. Les ailerons sont souvent traités avec du peroxyde d'hydrogène afin de rendre leur couleur plus attrayante pour les consommateurs, alors que ce puissant biocide est toxique et peut entraîner des problèmes de santé à forte dose.


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